Né en 1980, Nikola Akileus n’a jamais prétendu écrire. Seulement expérimenter, réaliser le reverse-engineering de l’acte poétique au travers du langage et, tout compte fait, de tout forme d’expression à sa portée (musique, graphisme, vidéo). Dans les années 2000, Nikola Akileus crée et anime la nébuleuse de blogs collectifs Invidation, laboratoire de créations artistiques. À la fin de cette même décennie, il rejoint l’équipe éditoriale des Caméras Animales. Depuis 2011, il se consacre à son projet musical Ichtyor Tides, sorte de corps organique dérivant dans une mer de données corrompues et de détritus numériques, hybride humain et machine, conscience et calculs algorithmiques. Il a publié textes courts et poèmes dans diverses revues (Les Tas de Mots, Le Cafard Hérétique, Frappa, etc.) et ouvrages collectifs (Manifeste Mutantiste, Overwriting, etc.).
Ereintique retrace la lente dissolution d’un être dans son environnement technologique, le passage d’un statut « physique » à un statut purement « virtuel », encore que plutôt injecté dans le bruit de fond électronique sous-jacent que dans quelque réalité virtuelle en tant que telle. La transition n’est pas narrée à proprement parler, mais au fur et à mesure de la progression du recueil, elle se soupçonne, puis finit par devenir évidente. Parallèlement à la cybernétisation de son personnage principal, éreintique est le lieu d’un travail progressif et expérimental sur la création poétique, avec l’altération lente des structures de narration classiques et leur reconfiguration simultanée en éléments poétiques (poèses) singuliers. Le maître-mot de ce travail, de cette transformation, est la verbalisation, l’expression par le langage (et ceci autant que faire se peut) de ces états habituellement cénesthésiques qui précèdent la « rédaction » d’un texte poétique. En prétextant que le rendu poétique standard est un appauvrissement de la matière première cénesthésique (l’impossible langage intérieur de Wittgenstein notamment !) dû aux contingences et aux limitations quantitatives langagières, éreintique s’essaie à verbaliser progressivement ce matériau grâce à des structures syntaxiques et des constructions orthographiques singulières. Cette tentative d’augmentation du champ poétique (c’est-à-dire littéralement de sa portée) est censée lui permettre de recouvrir cette zone non-dite et paradoxalement riche en significativité. Aussi, dans éreintique, la poétique n’est pas seulement un artifice esthétique destiné à proposer un rendu original de la narration sous-jacente, elle est surtout un outil (open source ?) dont la souplesse lui permet de se retourner sur lui-même afin de questionner ses propres processus créatifs(jusque dans les confins philosophiques du langage), et partant, d’élargir son rayon d’action.
éreintique de Nikola Akileus, décembre 2017. 135 pages.
Recensions :
Sylvain Nicolino pour Obsküre Magazine
Patrick Cintas pour RALM